Frappés par la main de Dieu

Pour autant que je sache, l’expression « frappés par la main de Dieu » provient de l’ouvrage d’Arnoldus Henricus Westerhovius (1677-1737 ou 1738) édité en langue néerlandaise et publié par le « Algemeen Kunstwoorden-boek der Wetenschappen », imprimé par Haak en Luchtmans à Leyde en 1734.

D’origine allemande, Westerhoff a étudié la théologie à Leyde. A partir de 1711, il a été recteur de l’école latine de Gouda. Selon Paul Abels, il était “un talent incompris”, et en tout cas une épine dans le pied du le conseil municipal.

Si vous ouvriez l’édition originale de ce livre à la page 108, vous pourriez lire sous le titre Beroertheit (apoplexie en français):

« … quand les hommes perdent l’usage de leurs jambes et de leur langues et tombent, comme s’ils avaient été frappés par la main de Dieu.

Si Westerhoff avait vécu à notre époque, il n’aurait pas pu donner une meilleure description de la crise du Corona. Le virus fait perdre aux gens la possibilité de se déplacer et leurs capacités de jugement. Les victimes tombent par milliers, et le dernier mot n’a pas encore été dit. Une mauvaise nouvelle succède à l’autre. Nous sommes contraints au confinement. C’est une période difficile. Une fois de plus, nous ressentons les effets de la mondialisation. Comme si nous étions frappés par la main de Dieu.

 

La semaine dernière, j’ai dû décider de prendre ou de quitter mon vol de São Paulo à Bruxelles via Rome. Figurez-vous que c‘était un vol avec Al-Italia, la compagnie nationale d’Italie. L’Italie qui est à ce jour, la plus grande victime de cette épidémie.

La moitié de ma famille m’a dit : tu ferais mieux de rester au Brésil et d’attendre que ça se calme.

L’autre moitié de la famille m’a dit : pars de ce pays, parce que ça va être bien pire ici. En effet, il est à craindre que lorsque le virus atteindra les quartiers pauvres des métropoles brésiliennes, le chaos sera complet, provoquant la perte d’innombrables vies humaines, non seulement à cause du virus, mais surtout suite à l’effondrement de structures sociales déjà peu solides.

 

À Fiumicino, l’aéroport de Rome, un silence de mort régnait. Nous nous tenions tous en ligne à un bon mètre de distance les uns des autres. Au contrôle des passeports, j’ai dû remettre deux notes pré-remplies, confirmantant que j’étais en bonne santé et que je n’avais rien sous les membres. C’est tout. Bienvenue à Coronaland.

À Zaventem, c’était encore plus calme. « Continuez à marcher, prenez vos bagages et sortez d’ici. «

Pas de contrôle.

Le plus remarquable, c’était la différence de public dans l’avion : le vol entre São Paulo et Rome était bondé, je n’ai entendu parler que l’italien.

Le vol vers Bruxelles était presque vide, moins de 25 personnes : apparemment, tous les Belges étaient déjà chez eux.

La cabine du chauffeur du taxi, commandé à l’avance, avait été séparée du siège arrière par d’épaisses couches de plastique, pour protéger le conducteur. L’autoroute était calme et en une demi-heure j’étais chez moi.

 

Frappés par la main de Dieu ? Qu’est-ce que Dieu a à voir avec un virus ? Pour mes collègues les plus pessimistes, c’est une affaire réglée : la colère divine a éclaté sur nous.

Ceux parmi vous qui ont lu Darwin savent que c’est un peu plus compliqué. Le révérend Westerhoff lui-même employait déjà l’expression “comme si” les Hommes étaient frappés par la main de Dieu.

Cela semble tellement impressionnant : frappés de la main de Dieu.

Une chose est certaine : cela nous rend humbles en tant qu’humains : nous ne sommes que poussière dans le vent.

Bon courage en ces temps troublés !

 

Jan van den Berg, pasteur émérite

25 mars 2020

Beeld : pixabay

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